« La peinture, j'aime que ça soit à la limite de n'être plus une peinture ».

DUBUFFET

 

 

Lucien Moerman peint sur / avec du polystyrène. Le polystyrène est un isolant. Isolant = Isoler. Isola en Italien : île, du latin insula, mot à mot en soi, seul.

Le polystyrène est donc en soi, seul, isolé. C'est donc fort à propos que Moerman l'utilise en peinture, car la peinture ne parle d'abord que de peinture. Pour lui, le matériau n'est pas un support, c'est avant tout une matière première avec laquelle il donne du sens à l'acte de peindre. En effet, la peinture qu'il utilise creuse le "support", y inscrit des sillons, y dessine des vallées et des monts, détermine par "rognure" l'étendue même de l'espace pictural.

La peinture donc, dessine la géographie du tableau en travaillant un plan qui est aussi un volume. L'acte de peindre, le brossage ou la coulure de la peinture, tout à la fois dessine, colore et creuse le matériau. Trois actions en un seul geste; un geste qui réconcilie peinture et gravure, peinture et sculpture, plan et volume.

Moerman restitue, par l'intelligence de sa peinture, la vérité d'une contradiction, au-delà de l'illusion. Il nous dit une vérité en peinture : il réunit les oppositions d'espaces en faisant le choix de l'isolant. Ce paradoxe est le dessein du grand art.

Avec Moerman la peinture retrouve son insularité : un monde en soi qui parle du monde, comme le monde, sans en être.

 

Pierre Maxime Jedryka

Critique d'art à Paris

 

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